L’Estonie est un petit pays de 1,3 millions d’habitants tout à l’est de l’Union Européenne. Elle a fait le choix, à la fin des années 90 de miser à fond sur le numérique, une plutôt bonne idée quand on voit le résultat aujourd’hui : toute l’administration est numérisée, on y compte le plus de startups par habitant et l’électronique ainsi que les logiciels ont une part majeure dans son économie.
L’Estonie, c’est aussi le 2e pays européen émettant le plus de CO2eq par habitant (derrière le Luxembourg). Le truc c’est qu’elle exploite une des pires sources d’énergie : le schiste bitumineux, et pas qu’un peu : 80 % du schiste bitumineux utilisé à travers le monde est extrait et utilisé en Estonie. Le schiste bitumineux est principalement utilisé comme combustible pour les centrales électriques et pour se chauffer.
| Technologies | Estimations (gCO2e/KWh) |
| Éoliennes | 9 |
| Hydro-électricité | 10 |
| Biomasse | 14 |
| Photo voltaïque | 32 |
| Géothermie | 38 |
| Nucléaire | 66 (6 pour la France) |
| Gaz | 443 |
| Pile à combustible | 664 |
| Fioul | 778 |
| Charbon | 1050 |
| schiste bitumineux | 1100 |
En plus de l’émission de CO2, l’exploitation du schiste bitumineux génère d’autres nuisances comme la pollution de l’eau ou la création de terril.
Pour comprendre pourquoi l’Estonie utilise cette énergie a priori cumulant les défauts, il faut rapidement parler de son histoire et de sa géographie.
L’Estonie a été sous domination de l’Allemagne, de la Suède et de la Russie. Elle n’a eu droit à son indépendance qu’entre les deux guerres mondiales, puis, grâce à la dissolution du bloc soviétique en 1991. De cette longue privation de souveraineté est née une forte volonté d’indépendance (notamment énergétique), en particulier vis-à-vis de la Russie qui multiplie les opérations agressives à son égard : mouvements de troupes à la frontière, cyberattaques.
Côté géographie, l’Estonie est un pays plat, son point culminant se situe à 318 mètres. Des inondations ont régulièrement lieu au printemps, la majeure du territoire est recouverte de forêts, de marais, de lacs et de rivières. Dans ces condition les panneaux solaires ou les barrages électriques ne sont pas vraiment adaptés.
L’énergie disponible rapidement et facilement exploitable est le schiste bitumineux. L’Estonie avait comme alternative d’importer de l’énergie, ce qu’elle fait avec du gaz Russe (dont elle a prévu de s’en libérer) et avec l’électricité Finlandais (qui est générée en partie de l’énergie Russe).
Les dirigeants ont conscience de ce paradoxe, le problème c’est que l’émission de CO2 pour extraire de l’énergie est taxée (et va l’être encore plus ces prochaines années) au sein de l’Union Européenne. La Russie qui n’en fait pas partie se retrouve donc avec un énorme avantage concurrentiel. L’Estonie milite pour que l’énergie soit taxée aux frontières de l’UE, une requête qui a peu de chance d’advenir vu que 40 % du gaz consommé en Europe provient de la Russie et que ce pourcentage tend à s’accroître rapidement.
Il est à noter que l’Estonie mise de plus en plus sur l’utilisation du schiste bitumineux pour synthétiser de l’huile de schiste (un pétrole conventionnel), les prix élevés du pétrole actuel l’a rendu bien plus rentable sous cette forme. Ainsi c’est 40 % de ce qui est extrait aujourd’hui en Estonie qui est exploité de cette façon.
Écologiquement, les Estoniens, culturellement proches de la nature ne se satisfont pas de cette situation, l’Union Européenne non plus d’ailleurs. L’objectif que s’est fixé le pays est d’arriver à la moitié (voire plus si possible) d’énergie renouvelable à l’horizon 2030. Objectif atteignable, selon un rapport de l’AIE datant de 2019. Les efforts vont porter sur plusieurs secteurs dont principalement : le développement de l’éolien, l’efficacité énergétique des bâtiments et l’exploitation de la biomasse (tourbe, arbres). Enfin, la construction d’un SMR (petit réacteur nucléaire) est à l’étude afin de se passer une bonne fois pour toute de l’énergie russe.
Même si l’Estonie émet énormément de gaz à effet de serre par habitant, sa contribution mondiale est très faible (moins de 0,03 %). Il reste que c’est une bonne illustration de la complexité à changer de sources d’énergies à l’échelle d’un pays.





